Lors d’un suivi thérapeutique, l’objectif premier du thérapeute sera de soutenir le client pour s’investir dans la thérapie proposée. Le lien thérapeute-client joue un rôle majeur dans l’atteinte des résultats. Il est une base sur laquelle le changement peut se produire.
Par un cadre bienveillant, l’alliance thérapeutique soutient la motivation. Quel que soit le champ de pratique médico-social, le client s’engage à faire face à une demande du professionnel et doit puiser dans ses capacités adaptatives pour y répondre – que ce soit en psychothérapie où il se confronte à une expérience douloureuse, en séance en Intégration sensorielle où il fait face au juste défi, ou encore dans une séance de remédiation cognitive qui lui requiert de puiser dans ses ressources pour intégrer les stratégies adaptatives. Ainsi la motivation est essentielle au suivi thérapeutique pour obtenir la participation active du client.
Une relation positive et bienveillante posera un cadre sécurisant dans lequel le client peut s’engager sans crainte. L’attention portée à l’alliance thérapeutique a là une valeur principale pour influencer l’investissement du client dans le suivi. Mais se limiter à ce facteur serait omettre l’effet tangible du processus neurobiologique sous-jacent lorsque le thérapeute entre en relation et connecte avec son client.
La régulation neurobiologique est un phénomène complexe qui implique des réponses nerveuses et neurochimiques. Sous-jacentes à toutes nos actions, elle nous permet de réguler notre éveil. Augmenter notre niveau d’énergie ou calmer notre système nerveux sont dépendants de la libération de neurotransmetteurs pour répondre aux stimuli perçus et maintenir l’homéostasie.
Lors d’une menace ou d’un contexte stressant, notre corps sera par exemple à même de libérer de la dopamine et de l’adrénaline pour apporter plus d’énergie et faire face à l’adversité pour retrouver une régulation.
A l’inverse, lors d’une tâche nécessitant de se concentrer sur un travail minutieux, la sérotonine sera libérée et l’énergie sera diminuée pour mieux se poser et s’engager dans la tâche sans être divertit par les stimuli environnants.
Dès lors que la capacité intrinsèque pour ajuster le niveau de régulation pour accomplir la tâche est possible, les actions se mettent en place avec fluidité, la participation est présente et la capacité adaptative soutient la tâche.
Cependant pour certains, les réseaux neuronaux ne sont pas les mêmes et le fonctionnement du cerveau est différent. Ce peut être le cas de personnes avec des troubles neurodéveloppementaux – personnes neurodivergentes aussi référées comme neuro-atypiques (le cerveau apprend, fonctionne et traite l’information différemment de celui de la majorité des gens). Ainsi le cerveau n’a pas les mêmes circuits neuronaux pour développer cette capacité intrinsèque pour ajuster le niveau de régulation. La libération des neurotransmetteurs pour augmenter ou abaisser la régulation pour rester dans la relation ou accomplir la tâche n’est pas toujours à soutenir la personne (Barthel, 2022). Le flot d’énergie existant ne s’accorde pas à la relation réciproque, l’attention partagée et limite la capacité adaptative. Le sujet manifeste une rigidité de fonctionnement ou une désorganisation. L’intégration des informations sensorielles et le sens donné à ces informations n’est pas là pour une organisation fluide et optimale. (Dan Siegel).
Un rôle clé du thérapeute est alors d’aider le client à atteindre sa vigilance optimale pour engager dans la modalité thérapeutique. Le thérapeute peut élever ou abaisser le niveau d’énergie intrinsèque par sa présence ou ses actions dans un but de co-régulation. Il peut ainsi voir la régulation à la hausse en influençant l’activité cérébrale et corporelle par des stimulations sensorielles activantes (comme celles trouvées dans la danse rythmée ou des voix enjouées), ou voir la régulation à la baisse par des stimulations sensorielles calmantes (comme le mouvement lent de balancement, musique douce). Le choix d’action du thérapeute influence donc la régulation du client.
Mais au-delà des choix d’action du thérapeute se montre une autre influence à la capacité participative du client. L’état d’esprit du thérapeute joue aussi un rôle important – un facteur trop souvent oublié.
Le cerveau est programmé pour connecter avec l’autre. De fait, c’est tout un circuit neuronal qui est dédié à la relation sociale. Notre survie en dépend, d’abord pour se nourrir et se protéger, et ensuite pour mettre un frein à nos impulsions dans un besoin de vie commune. Prendre en compte les aspirations, les peurs et les motivations des autres permet de coordonner nos vies sans conflit, et favorise la productivité, l’apprentissage et le bien-être. Nous avons ainsi cette capacité intrinsèque à lire les pensées de l’autre et ses intentions pour évoluer dans un monde social (Lieberman, 2013) et assurer notre sécurité physique et mentale.
Les intentions claires et empreintes de compassion du thérapeute consolident le circuit neuronal dédié à la relation sociale. L’alliance thérapeutique est promotrice du cadre sécurisant et conçoit l’attention à l’autre.
La régulation neurobiologique évoquée en amont est alors à soutenir un équilibre physiologique pour favoriser la relation sociale, les comportements adaptés et les apprentissages. Les neuroscientifiques ont pu aussi démontrer que lorsque des personnes collaborent, comme résoudre des problèmes ou jouer ensemble dans une complicité, leurs ondes cérébrales s’harmonisent – l’activité neuronale montre des patterns similaires, comme 2 danseurs bougeant ensemble (Denworth, 2023). La relation réciproque connectée établie une base ouverte aux changements sur laquelle les modalités peuvent s’appuyer pour développer de nouvelles capacités.
De fait, la façon d’être avec le client joue un rôle majeur dans le suivi thérapeutique. Ce que le thérapeute renvoie, au-delà de l’action définie par la modalité thérapeutique, influence la régulation du sujet. Aussi c’est au-delà du choix motivant de la tâche que le thérapeute doit considérer son rôle pour encourager les changements. Un thérapeute plus ancré en lui-même et son environnement (stable, sensible et connectée avec ce qui se passe) apporte la fondation au changement.
Sa relation et sa connexion avec le client joue sur l’énergie recherchée pour trouver la régulation. Un thérapeute présent dans le moment, confortable physiquement et émotionnellement avec l’enfant, engagés dans un jeu collaboratif où l’enfant et le thérapeute définissent les règles, stratégies et défis, montre une présence soutenante de changements neuronaux. Le thérapeute est sensible aux signes renvoyés par le corps de l’enfant comme le contact visuel, le corps relâché, le visage détendu pour s’assurer de la co-régulation. L’authenticité du thérapeute dans ses actions et ses ressentis facilite les capacités pour ajuster le niveau de régulation du client. L’alliance thérapeutique est alors promotrice de participation active et de régulation physiologique pour faire face au défi au sein de modalités thérapeutiques, et en ces termes elle est agent de changement.
References
Barthel, K (2022), Psychosensory intervention course, 2022 Ireland.
Barthel, K (2014), Conversations with a Rattlesnake: Raw and Honest Reflections on Healing and Trauma
Denworth, L (2023), Brain waves synchronize when people interact. Scientific American. https://www.scientificamerican.com/article/brain-waves-synchronize-when-people-interact/
Lieberman, M. (2013). Social : why our brain are wired to connect.
Siegel, D. (2023), Comprehensive course in interpersonal biology
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